Vie volée
Ce soir, c’est l’anniversaire de Maëlle,
Pour l’occasion, je me fais belle.
Depuis ma salle de bain je discute avec elle,
Ça fait des heures qu’on est en appel.
Je lui demande si le rouge à lèvres n’est pas de trop ?
Si j’ai mis assez de paillettes sur mon haut ?
Elle me rétorque sans être hésitante,
Que je suis de loin la plus ravissante.
« Merci, bisous, à tout à l’heure ! »
Je raccroche, prends mon chargeur,
Son cadeau et le bouquet de fleurs,
Puis je saute dans la voiture de ma sœur.
« Tu en as mis du temps à te préparer ! »
« Je sais, allez ! Je vais être en retard pour la soirée ! »
Arrivées devant l'entrée, j'entends chanter et danser,
On dirait bien que la fête a déjà commencé.
Elle m’ouvre la porte et me saute dans les bras,
Me dit qu'elle est si contente que je sois là.
Moi aussi, et il y a tant de gens que je ne connais pas...
« Allez viens, on va attraper froid ! »
À peine rentrée, j'admire les lumières et les ballons,
La musique résonne, son âge accroché au fond,
Les verres remplis, la reine et ses grands talons,
Et parmi les inconnus, ce beau garçon.
Le gâteau arrive, couronné de ses bougies,
Tout le monde s'approche, les rires font du bruit.
Les cadeaux fusent et les sourires aussi,
Ça me touche, tout ce beau monde réuni.
On crie tous et on applaudit,
Un verre de plus pour danser toute la nuit.
La musique reprend et ma peur s’enfuit,
On chante faux mais fort, sans a priori.
Au milieu de la foule, ce garçon vient me voir,
Il me tend la main avec beaucoup d’espoir,
M’offre une danse et un autre verre à boire,
Je tiens pas bien l’alcool mais bon, on va voir…
Au milieu de la piste, j’en oublie tous les regards,
Le monde n’existe plus, on danse déboire,
Il me prend par la taille, je n’arrive pas à y croire,
On se perd tous les deux dans un monde illusoire.
Les néons me ramènent à la réalité,
Me suis-je laissé un peu trop enivrée ?
Il faut que j’aille me reposer,
Et l’alcool murmure un doux danger.
Je m’éclipse dans la salle de bain.
D’un geste soudain, il m’attrape la main,
Me tire dans une chambre, et mes gestes sont vains.
Je hurle de panique, mais ils sont trop lointains.
Je suis piégée dans un écrin.
Il me pousse contre le lit, d’un air certain.
Trop ivre pour réagir, tout devient malsain.
Et d’un coup, mon corps devient le sien.
Le feu n’est plus sur les bougies,
Mais au bout de tes mains.
Il n’y a plus de rouge sur mes lèvres,
Ni de paillettes sur mon haut.
Je ne suis plus ravissante.
Je me sens dégoûtante.
Je ne peux plus bouger,
Complètement tétanisée.
Ma peau me brûle.
Et l’oreiller est froid.
Ta vie continue,
tu peux virevolter.
La mienne s'arrête,
tu me l’as volée.
Vie volée - Simon